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L’éditorial de François Marcilhac

Avec Jeanne

Cela fait plus de cent dix ans que l’Action française, chaque année, envers et contre tout, rend hommage à Jeanne d’Arc. Par 10 000 jours de prison, les Camelots du Roi ont tout d’abord imposé à la République le droit pour les patriotes de défiler. A leur suite, la Chambre Bleu Horizon institua, en 1920, la fête nationale de Jeanne d’Arc, la seule qui soit susceptible de rassembler tous les Français, en hommage au 1,5 million de morts de la Grande guerre, une guerre que la République n’avait pas su préparer et que la France n’a gagnée qu’en renonçant provisoirement  à la division et à la discorde au sommet de l’Etat, ce qui ne fut pas sans mal, et on sait combien l’Action française apporta, de 1914 à 1918, une aide précieuse à la patrie en danger.

La patrie en danger

Le thème de notre dernier colloque, en mai dernier, était précisément : « La France en danger » : en cherchant à l’interdire, le ministre de l’intérieur n’a fait que prouver sa pressante actualité. Oui, la République met constamment la France en danger. Et le premier d’entre eux, en 2023, n’est plus l’Allemand impérial — quoique… —, c’est la dénationalisation même de ses élites. Déjà, il y a quelques semaines, un député macronien avait voulu la suppression de la Fête nationale de Jeanne d’Arc et, si le Gouvernement ne l’a alors pas suivi, on ne peut qu’être qu’inquiet des intentions profondes d’un pays légal qui poursuit ses lubies de « souveraineté européenne », veut imposer le pavoisement européen des mairies et ne croit plus dans la France.

Car Emmanuel Macron, le chantre d’un extrême centre qui se noie dans « un même temps » dont les Français ne supportent plus les mensonges, a choisi la voie de la radicalisation. Coupé au propre comme au figuré des Français, il a décidé de bafouer les libertés politiques fondamentales de ses compatriotes en utilisant les services d’un ministre de l’Intérieur capable de recourir à des mensonges et des amalgames scandaleux et des décisions liberticides.

La double volonté d’interdire notre colloque et, le lendemain, le cortège traditionnel organisé par l’Action française en l’honneur de Jeanne d’Arc était, coup sur coup, deux nouveaux exemples de cette radicalisation d’un extrême centre qui se sait sur le départ et a décidé de laisser derrière lui, en matière de libertés, un champ de ruines. Interdire un colloque et un défilé patriotique commémoratif qui existe depuis plus de 110 ans, voilà la sinistre façon qu’avait Emmanuel Macron de vouloir rassembler les Français, de « passer à autre chose ». La justice, fort heureusement, en décida autrement.


La perte de notre âme

Rappelons que l’Action française ne s’est jamais approprié la figure de la Pucelle d’Orléans, mais, invitant tous les patriotes, qu’ils soient royalistes ou non, à défiler avec elle, elle est la seule organisation à rendre un hommage national spécifique à celle qui demeure la figure tutélaire de tous les Français.  C’est à la Jeanne soldat, bien sûr, mais peut-être avant tout à la Jeanne politique au sens vrai, au sens noble du terme, que l’Action française, organisation politique, rend hommage, à celle qui, suivant une intuition divine, sut conduire le « gentil Dauphin » à Reims pour le faire sacrer Roi.

Cette Jeanne-là n’est évidemment pas exclusive des autres dimensions de la Sainte de la Patrie. Mais elle est la seule qui soit susceptible de rassembler les Français de toutes origines, des Français dits de souche aux Français par le sang versé, des Harkis et fils de Harkis à nos compatriotes de Mayotte qui, cette année encore, ont vu combien la république les méprisait, en refusant de se donner les moyens d’assurer la souveraineté effective de la France sur son 101e département. Mais peut-être la république cherche-t-elle par le grand remplacement démographique de l’île à obtenir ce que l’Action française lui empêcha de faire dans les années 1970 : livrer ce territoire français aux Comores.

En ces temps d’incertitude pour l’avenir de notre pays, le combat mené par Jeanne, il y a six siècles, demeure actuel. Il ne s’agit plus aujourd’hui de bouter l’Anglais hors de France, même si, lorsqu’on lit les enseignes ou qu’on entend parler les media, les ministres, jusqu’au président de la république on est en droit de s’interroger… De fait, l’Américain a aujourd’hui remplacé l’Anglais : mais, de même que les Bourguignons, l’oligarchie de l’époque, avaient choisi le roi d’Angleterre contre le roi de France, de même, autour de Macron et de la macronie, vitrine politique de l’oligarchie transnationale, la majorité de nos élites, coupées d’un peuple qu’elles méprisent, ont choisi une fumeuse souveraineté européenne sous diktat américain contre la souveraineté française. Or, ce qui est en jeu, c’est non seulement la perte de notre indépendance, mais avec, celle de notre âme. Ce qui est en jeu, c’est

« La France des Bourbons, de Mesdames Marie,
Jeanne d’Arc et Thérèse et Monsieur Saint Michel »

que nos élites veulent dissoudre dans une Europe soumise aux lois de l’oligarchie internationale.

Le nationalisme intégral de Jeanne

Chacun connaît les armes employées : des lois liberticides qui interdisent aux Français de se défendre par la parole ou l’écrit ; une idéologie wokiste totalitaire ; une immigration massive qui pèse sur les salaires tout en favorisant le communautarisme et la dilution de notre héritage et de notre culture nationale ; la soumission de plus en plus grande de notre pays aux différentes instances de l’Union européenne. Enfin : la volonté d’interdire aux patriotes de parler, de débattre, de défiler. D’exister.


Pourtant, aujourd’hui, au sein du pays réel, se dessine un grand mouvement de refus, un refus d’abord fondé sur le rejet de la brutalité sociale, mais dont les racines sont plus profondes. Il appartient à l’Action française non seulement d’accompagner ce mouvement mais aussi et surtout de l’éclairer. Car, dans l’attente de la solution royale, vers laquelle nous devons guider nos compatriotes, nous devons opposer aux menaces qui pèsent sur notre pays, tel un rempart, un nationalisme aussi tranquille que déterminé, aussi intransigeant sur la défense de notre première liberté, l’indépendance de la patrie, qu’ouvert à l’universel. Celui que Jeanne mit au service du Roi. Opposés à toute caricature identitariste, qui fait trop souvent l’impasse sur la Nation, qu’à un cosmopolitisme qui vise la transformation de la France en village témoin du mondialisme, nous savons que notre pays est, au temporel, le plus précieux de nos biens et que tous ceux qui veulent persuader les Français du contraire n’ont qu’une idée en tête : les dissoudre en tant que peuple libre.

Il nous appartient, éclairés par la figure de Jeanne, de prendre toutes nos responsabilités de citoyens pour agir et peser sur les événements. Chaque militant d’AF, chaque patriote, chaque Français doit se sentir mobiliser. L’union sacrée est de nouveau d’actualité, devant les dangers qui pressent. Rappelons-nous ces mots que Philippe VII, en 1894, adressa à la jeunesse royaliste : « La mémoire de la grande libératrice appartient à tous les Français ; elle doit les réunir dans une pensée commune de patriotisme. Mais il ne faut pas permettre que sa mission surnaturelle soit dépouillée par l’esprit de parti du caractère catholique et royaliste qu’elle-même lui attribuait. […] Elle réveilla la nation tombée en léthargie, rendit la confiance aux plus découragés, la foi aux plus sceptiques, inspira le dévouement aux plus égoïstes, et fit cesser toute division parmi ceux qui se groupaient autour de sa sainte bannière. » 

Jeanne royaliste : l’anachronisme n’est qu’apparent. En faisant sacrer Charles VII à Reims, elle rétablissait une légitimité que l’oligarchie de l’époque voulait livrer au droit du plus fort. Être républicain, c’est cela : croire qu’il suffit de remporter la mise pour être légitime. L’oligarchie commit cette erreur sous Charles VII. Avec Jeanne, nous lui prouverons qu’elle la commet de nouveau aujourd’hui.

François Marcilhac