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C’est inquiétant…

Hilaire de Crémiers

« Des actes, pas des paroles », disent les pauvres gens exténués. L’opinion générale du pays incontestablement n’en peut plus ; cela s’est vu, évidemment, au Salon de l’agriculture. De plus en plus, chaque déplacement, chaque intervention exigeront une préparation soignée, un tri des participants, une mise en scène adaptée aux circonstances, un aménagement et un contrôle du terrain pour éviter l’incident majeur ; et d’autant plus que l’homme devient de plus en plus imprévisible dans ses comportements et ses propos, eux-mêmes de plus en plus risqués, voire dangereux dans des situations difficiles, tragiques, qui peuvent tourner en catastrophe immaîtrisable. Macron n’en a cure ; il croit dominer les événements et il prétend imposer sa conception. Quoi qu’il en coûte !

Tant sur la scène nationale où il excite pratiquement et continûment, jusque dans les cérémonies officielles, à la guerre civile en polarisant toutes ses attaques sur le Rassemblement national, que sur la scène internationale où il parle et agit comme s’il détenait un commandement en chef effectif pour l’Europe et l’Occident. Voilà qu’il déclare à lui seul, au nom du Droit et de la Justice, en appelant à une mobilisation militaire européenne avec tout le matériel disponible, une guerre générale qui peut devenir totale, quasiment mondiale, en tous cas européenne, à propos du conflit russo-ukrainien, fondamentalement local, en profitant d’une réunion de chefs d’État européens rassemblés par ses soins à l’Élysée, le lundi 26 février.

Une pathologie de la personnalité

Le comble de l’impertinence de sa déclaration qui frise la démesure irrationnelle et maladive, fut atteint quand, après les avoir convoqués sur son unique initiative, en leur dissimulant délibérément son intention finale, il révéla par ses propos qui avaient l’allure d’un communiqué en forme de proclamation, le but recherché qu’il s’était assigné à lui-même, et dévoila ainsi le véritable objet jusque-là caché d’une telle réunion qu’il n’avait en réalité conçue qu’à cet unique effet. D’où la violente surprise et même le scandale desdits chefs d’État ainsi manipulés à leur insu et engagés malgré eux dans un processus dont ils ne veulent à aucun prix, alors que Macron expliquait tout uniment qu’il était déjà entamé, qu’on le veuille ou non, que c’était la suite logique des engagements passés et des résolutions prises et qu’il était nécessaire d’avoir le courage d’aller jusqu’au bout des programmations antérieures.

Ce n’est plus de l’audace, c’est du culot, encore du culot, toujours du culot. Les gouvernements européens, même les plus proches de l’Ukraine comme la Pologne ou l’Angleterre, ont tous fait savoir qu’il n’était pas question d’entrer dans un tel processus. Ils ont fait connaître leur indignation. Peu importe pour Macron qui se trouve contrarié et même ridiculisé. Le gamin immature poursuit sa course folle. Le problème est qu’ayant réussi à mettre la main sur l’État français et, par ce biais, croit-il, comme il l’a signifié dans ses grands discours, en particulier en Sorbonne et à Davos, sur l’Europe et même sur une sorte de gouvernance mondiale, il se juge habilité à trancher de tout, à poursuivre ce qu’il considère comme son œuvre, à tout faire pour abattre l’hydre réactionnaire aux têtes sans cesse renaissantes, qualifiée par ses soins de fasciste, à s’établir comme le juge suprême du Bien et du Mal, en portant ses perspectives personnelles au-delà des prochaines élections européennes du mois de juin et au-delà même des élections présidentielles de 2027.

L’avenir qu’il envisage ne saurait être heurté ni bouleversé par ces échéances. Donc il anticipe et se donne le droit de créer des situations irréversibles. Il est pressé et n’hésitera pas à passer outre toutes les oppositions, aussi bien sur le plan intérieur que sur le plan extérieur. C’est toute sa stratégie et qui explique tout. D’où cette volonté abrupte toujours en éveil qui se moque des contradictions, pourvu que sa détermination réussisse à franchir les obstacles ; d’où ce dessein implacable d’instrumentaliser tous les éléments de pouvoir en France, en Europe, pour façonner au plus vite cette réalité nouvelle dont il rêve, toujours quelque peu confuse, comme chez tous les paranoïaques et comme il se doit dans ce genre de vision, sur laquelle il pense à rebondir demain et après-demain. Il n’y a pas à s’étonner de discerner dans ces traits de plus en plus accentués le portrait du Dictateur, tel que l’a peint Chaplin dans son fameux film. Il s’offusquerait, comme sa macronie, d’une telle représentation. Et pourtant s’il croit malin de dénoncer le fascisme et de rejouer les scénarios des années 1930, il devrait se regarder dans le miroir ridicule de sa suffisance, de son outrecuidance, de son ambition démesurée pour saisir à quel point il se configure de plus en plus au modèle qu’il prétend proscrire.